#CHRONIQUE : La création programmatique préfigure-t-elle l’avenir de la publicité ?
Depuis 10 ans, la façon dont le média digital se vend et s’achète a radicalement changé. L’IA et le Machine Learning viennent à leur tour impacter le monde du marketing et de la publicité. Après l’essor du programmatique, cette technologie qui automatise la quasi-totalité du processus d’achat d’espace, voici venu le temps de la création programmatique. L’association de ces deux termes, a priori antinomiques, porte pourtant en elle un fort potentiel pour les annonceurs.
Plus de créativité pour plus de personnalisation
Il y a 20 ans, un seul écran, la télévision, suffisait pour toucher le consommateur. Désormais, nous jonglons allègrement entre mobile, PC et tablette. L’audience, moins linéaire, voit son attention partagée entre plusieurs écrans, ce qui oblige les marques à adapter leur message en permanence. C’est ici qu’entre en jeu le programmatique, en automatisant la quasi-totalité du processus d’achat d’espace. Seul problème, faute de temps, mais aussi par désir de simplification, le même message finit par être diffusé à toutes les audiences de la même façon sur tous les supports. La créativité se limite à faire évoluer le format, petit rectangle ou grand carré. Pas facile dans de telles conditions de toucher la bonne audience. Aujourd’hui, la création programmatique s’invite donc dans l’équation.
Ce nouveau concept se réfère à l’utilisation de technologies qui vont permettre d’accélérer, d’automatiser et de multiplier les possibilités en matière de création de bannières publicitaires. Grâce à cette approche, il est désormais possible de toucher à la fois la partie production et l’optimisation des messages. Ce mariage du média et de la créa permet aux marques de raconter des histoires encore plus belles.
La fin annoncée de la bannière unique
La création programmatique va notamment permettre de segmenter l’audience en plusieurs groupes et de les adresser avec des messages personnalisés. Fini la bannière identique pour tout le monde ! Et, grâce à la multiplication des formats, il devient possible de créer de multiples variations du message. Cette nouveauté marque le lancement d’un nouveau dialogue entre la marque et le consommateur. Les messages sont adaptés aux différents canaux et écrans via le partage des options de ciblage (âge, langue, géographie, intérêts…) et l’intégration dans les bannières mobiles d’éléments liés aux fonctionnalités du support (écran tactile, localisation, possibilité de téléphoner…).
Pour réaliser ces créations toujours plus sophistiquées, la donnée est essentielle puisqu’elle permet de bien identifier le message à envoyer en fonction de la cible. Les nouvelles technologies vont permettre de produire ces messages à grande échelle, de manière automatisée et de tester différentes variantes.
Des milliers de variantes possibles et adaptables en temps réel
Concrètement, le designer va pouvoir créer 20 formats de bannières simultanément : un véritable gain de temps. Puis, des variations seront définies pour chaque audience : promotion localisée, offre de produit différenciée ou accroches différentes. Avec les résultats obtenus en temps réel, les marques peuvent opérer des changements de façon très rapide. L’objectif ultime est de parvenir à ce que 99 % des messages affichés soient des variantes de la proposition initiale.
Imaginons qu’un Office de Tourisme souhaite cibler des amateurs de sports d’hiver. Certains seront des adeptes de ski alpin, d’autres préfèreront les randonnées en raquettes, le spa ou encore la bronzette en terrasse ! Grâce à la création programmatique, plusieurs variantes d’un même message pourront être créées puis tester jusqu’à trouver celle qui fonctionne le mieux en fonction de chaque audience, du niveau d’enchère des espaces, de la fréquence ou du site de diffusion. Il est également possible d’apporter de la « nouveauté », en proposant une rotation, un séquençage ou une adaptation du message en temps réel. On peut ainsi cibler tout le monde ou presque de façon individualisée.
Quels challenges pour réussir sa création programmatique ?
Pour parvenir à ce résultat, les marques doivent intégrer à leurs campagnes programmatiques deux technologies complémentaires : le CMP (Creative Management Platform), qui gère le processus de production des bannières, et le DCO (Dynamic créative optimisation), qui optimise les bannières à partir de règles basées sur le Machine Learning. Si le DCO est perçu comme une machine à créer des milliers de variations de bannières, le CMP bénéficie en plus des super pouvoirs en matière d’UX et de design, en s’appuyant sur des outils puissants comme Google Studio.
Le principal frein à l’essor de la création programmatique vient cependant du niveau de ressources à y allouer. Jusqu’à présent, une marque faisait en moyenne 1 shooting photo par saison, soit 4 par an. Désormais, elle va devoir en réaliser 5 fois plus pour développer des variantes. Dans les faits, seuls 4 % des campagnes utilisent de la data first party et 68 % n’ont recours à aucune donnée de ciblage. Pourtant, en termes de résultats, l’amélioration des performances avec la création programmatique est estimée à +30 %.
Par ailleurs, le manque de synchronisation entre les créatifs qui produisent les messages, les acheteurs média et les data analysts constitue le véritable challenge de la création programmatique. Pour qu’elle soit pleinement efficace, les murs doivent donc tomber entre ces différents acteurs de la chaîne publicitaire. Les annonceurs doivent également changer de perception. Plutôt que de parler d’impressions visibles, ils devraient plutôt se pencher vers ce qui est « mémorable ». Aujourd’hui, on entend de plus en plus parler d’engagement ou de Brand Recall, c’est un bon début !